A l’approche des Assises du NewSpace 2023, Toulouse Space Team (TST) fait le point sur le financement du secteur et la performance comparée de la France par rapport au reste de l’Europe.
Cette analyse a été conduite en juin 2023 et est basée sur les informations publiques disponibles.
Dans la continuité des analyses précédentes, TST ne prend ici en compte que les entreprises du secteur amont.
Les montants en jeu
Depuis 10 ans, le NewSpace français a levé plus de 650M€ (en prise de participation, hors subventions), les premières levées de fonds significatives ayant eu lieu à partir de 2017.
Le nombre d’opérations a atteint une soixantaine, ce qui est à la fois remarquable pour un secteur en création (et le plus souvent perçu comme très risqué), mais reste finalement encore très faible.
A titre de comparaison, la France a enregistré en 2022 un total 735 opérations pour 13,5Mds€ levés contre une vingtaine d’opérations et 180M€ levés pour le NewSpace.
En revanche, à mi-2023, les montants restent encourageants pour l’année en cours sachant que tous les autres secteurs connaissent un fort ralentissement en termes de levées de financement. On retiendra toutefois que la marge de progression reste à ce stade très importante pour que la SpaceTech prenne toute sa place dans l’économie française.
En ce qui concerne les segments ayant bénéficié de levées de fonds importantes, les services en orbite et l’exploitation de systèmes satellitaires se taillent la part du lion.
Les entreprises du NewSpace qui ont levé des fonds
De fait, les levées les plus importantes ont été menées par Loft Orbital (140M€, services en orbite) et Kinéis (100M€, exploitation de systèmes satellitaires), ce qui reste des montants records en France pour le secteur. On notera le cas exceptionnel de Kinéis qui a bouclé la totalité du financement nécessaire à son développement en un seul tour de table, favorisé par un appui indéfectible du CNES. On se souviendra que Kinéis est la continuation du système Argos, créé par le CNES dans les années 70.
Parmi les bénéficiaires, seule une trentaine d’entreprises ont levé des fonds depuis 10 ans, les plus matures étant Cailabs (créée en 2013) et Exotrail (créée en 2017) qui totalisent respectivement 5 et 4 tours de table à ce jour.
Toutefois, la grande majorité des levées restent des premiers tours et un peu moins d’un tiers des seconds tours.
Les financeurs
Il est difficile d’identifier les investisseurs aussi bien que les montants investis individuellement, cette information étant généralement gardée confidentielle, aussi bien par les bénéficiaires eux-mêmes que par leurs financeurs. Toutefois, en se basant sur les données publiques dont nous disposons (voir plus bas), plusieurs tendances se dessinent en France.
On notera tout d’abord le rôle central de BPI France qui a participé à plus de 10% des opérations du secteur. De même, Definvest, créé par le Ministère des Armées et BPI France, a participé dans une moindre mesure mais à un niveau remarquable pour le NewSpace. Ceci souligne le rôle clef du secteur institutionnel dans le financement du NewSpace, car même si les montants ne sont pas nécessairement importants, BPI France et Definvest ont un effet d’entraînement sur les capitaux privés.
En ce qui concerne les fonds issus du capital-risque et autres fonds, nous avons identifié Innovacom et 360Capital comme leaders sur le secteur. Les fonds spécialisés du NewSpace ont démarré récemment et restent à ce stade encore en retrait. Mais la France manque clairement d’un Seraphim capable de financer massivement ses start-ups du NewSpace.
Enfin, le rôle du CNES reste très limité à ce niveau : participation dans Kinéis, mise en place de Cosmicapital, actions de Connect by CNES, création récente du club d’investisseurs Spacely… La montée en puissance de l’agence spatiale nationale se fait attendre, ce point ayant d’ailleurs été relevé dans un rapport récent de la cour des comptes.
La France au sein de l’Europe
Nous avons identifié plus de 220 entreprises européennes du NewSpace (voir notre précédente analyse sur le NewSpace européen : ici .
Le secteur du NewSpace européen, France compris, a levé environ 2,2Mds€ depuis 2010 (nous avons exclu OneWeb). Le tableau suivant montre les pays qui ont levé le plus de fonds pour le secteur du NewSpace : sans surprise, le Royaume-Uni et l’Allemagne se détachent comme les leaders en la matière. Ceciconforte notre analyse précédente qui avait identifié un démarrage précoce du secteur dans ces deux pays. Cela a mécaniquement entraîné un démarrage des tours de table et donc des montants plus élevés.
Cela se retrouve dans les plus grosses levées européennes :
- En tête ISAR (DE) avec ses lanceurs
- Suivi par Iceye (FI) et ses services d’observation
- Puis Mynaric (DE) en 3ème position avec ses systèmes de communication par satellite
- Nanoracks (IT)
- Enfin Loft Orbital (FR) et son service de space infrastructure as a service
A ce stade, il convient de relever qu’aucune entreprise du NewSpace européen n’a été classée dans la catégorie des licornes, alors qu’il y a une bonne dizaine d’entreprises américaines dans cette catégorie, dont SpaceX, Relativity Space ou encore ABL Space, toutes focalisées sur les lanceurs et aussi les constellations pour SpaceX.
Si le chemin reste semé d’embuches, les entreprises européennes du Top 5 ont d’ores et déjà été rangées dans la catégorie Soonicorns (les futures licornes)
Nos sources :
- Crunchbase, dealroom, tracxn, pitchbook
- Contacts directs (informations non confidentielles)
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Lien vers l’Article de la Tribune sur le sujet